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Dissolution : un avant-goût de guerre civile ?

ByVincent Chabrol

Juil 4, 2024
Dissolution : un avant-goût de guerre civile ?

En principe, le résultat des élections européennes du 9 juin n’aurait dû surprendre personne, puisqu’il correspond presque trait pour trait à ce qu’avaient annoncé les sondages successifs depuis des semaines.

La majorité macronienne a été laminée (avec 14,60 % des suffrages exprimés), très loin derrière le Rassemblement national (RN) qui, avec 31,37 % des voix, est arrivé en tête partout dans la « France d’en bas » (93 % des communes), tandis que les socialistes, emmenés par Raphaël Glucksmann, se refaisaient une santé (13,83 %), en talonnant la majorité et en donnant le « la » dans les grandes métropoles, en déconnection à peu près complète avec le reste du pays. La France insoumise de Mélenchon obtient 9,89 %, Europe-Écologie 5,50 %, le Parti communiste et ses alliés 2,36 % (et ne parvient donc pas à avoir d’élus). Voilà pour la gauche. Et à la droite de la droite, Marion Maréchal et sa liste du parti Reconquête totalisent 5,47 % des voix, parvenant à franchir la barre fatidique des 5 % et à porter 5 députés au Parlement européen.

On claironnait que les élections européennes étaient d’un intérêt secondaire. On s’entendait certes à reconnaître que le RN allait envoyer au tapis la macronie, mais on estimait que le président n’allait en tenir aucun compte et continuer son petit bonhomme de chemin avec sa majorité décidément très relative. Quelques voix avaient bien susurré de-ci de-là que Macron pourrait être tenté de dissoudre l’Assemblée, mais dans les « milieux autorisés » on s’était persuadé du contraire.

M le maudit

Bien sûr, depuis des semaines, toutes les remontées du terrain donnaient à penser que le scrutin allait se transformer en « referendum anti-Macron », selon le mot de François Patriat, patron du groupe macroniste au Sénat, qui ajoutait : « Les gens ne nous disent pas qu’ils vont voter pour le Parlement européen. Ils disent qu’ils vont nous sanctionner. […] Ce sont l’humeur et la rancune qui guident le vote. » Mais avec la crise, l’explosion de l’insécurité, sans compter les séquelles de l’épisode Covid, durant lequel le chef de l’État déclarait incontinent vouloir « emmerder » une bonne part de ses concitoyens et administrés, comment s’étonner qu’une majorité de Français veuille lui rendre la pareille ?

Macron est devenu un tel repoussoir que dans son propre camp on n’hésite plus à prendre ouvertement ses distances. Ainsi Édouard Philippe, qui a des vues trop évidentes sur la succession présidentielle, n’a-t-il pas hésité à critiquer publiquement la gestion calamiteuse du dossier néo-calédonien. Ainsi François Bayrou, avant-hier faiseur de roi, et aujourd’hui bien sûr trop négligé à ses propres yeux, prône un nécessaire examen de conscience, avant d’en appeler maintenant, une fois le pays embarqué dans l’aventure des législatives, à « démacroniser » la présente campagne, c’est-à-dire tenir le président à l’écart.

Comme si Emmanuel Macron pouvait résister à la tentation d’incarner « en même temps » tous les rôles principaux de la pièce ! Dans la dernière ligne droite des européennes, il en a fait des tonnes, ne boudant pas son plaisir de prendre l’Histoire et les morts en otage en instrumentalisant outrageusement les commémorations du Débarquement. Le soir de sa défaite électorale, il en remettait d’ailleurs une couche :

« La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe […]. Et je le dis, alors même que nous venons de célébrer avec le monde entier le débarquement en Normandie. »

Mais ces tours de passe-passe mémoriels n’y ont rien fait, et de retour des plages du Calvados et du Cotentin, le président Macron a dû essuyer la tempête du 9 juin et le naufrage de sa majorité.

Jupiter a encore frappé

Trois quarts d’heure avant que les résultats ne tombent sur les écrans de télévision, Emmanuel Macron réunit son premier cercle à l’Élysée. L’ambiance est crépusculaire. Gérald Darmanin, l’homme pressé, plaide pour la dissolution. Yaël Braun-Pivet, confortablement installée depuis juin 2022 dans les ors de l’hôtel de Lassay, résidence du président de l’Assemblée, se récrie. D’abord la place est trop bonne – « Encore une minute, monsieur le bourreau ! » Enfin, il faut s’attendre à une nouvelle débandade aux élections que provoquerait une dissolution, avec le risque d’une victoire du RN qui dès lors accèderait à Matignon. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

Vincent CHABROL

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